L’économie sociale et solidaire est-elle féministe ?
Une grande question que nous avons posé à Julia Barraud, directrice de l'association du Pain et des Roses à Nantes, Mahaut Bertu, adjointe à la maire de Nantes déléguée à la vie associative, la lutte contre les discriminations, l’égalité et la ville non sexiste, et Louise Gasté sociologue co-fondatrice du cabinet d’étude Les Petites Voix et spécialisée sur les questions de genre et d’égalité.
Une table ronde animée par Julia Vastel de Sun Radio, enregistrée à la Maison de l’Entrepreneuriat et des Transitions dans le cadre de l’événement « Comment bousculer l’économie? » pour les 20 ans de l’association.
Ce que l’on retient :
- Les femmes représentent 68% du secteur de l’ESS. Elles sont sur-représentées dans les métiers du care et du prendre soin, 87 % des emplois dans le secteur de la santé humaine sont occupés par des femmes, 77% dans celui de l’action sociale, 72% dans les métiers de l’enseignement. Du côté des instances dirigeantes, en 2019 les femmes sont sous-représentées dans les conseils d’administration et bureaux des structures de l’économie sociale et solidaire. Alors que 7 salariés sur 10 sont des femmes, elles représentent 45 % des membres des conseils d’administration et sont 37% à occuper une fonction de présidence au sein de ces structures. (Source : rapport CSESS 2021-2024 sur l’égalité femmes-hommes dans l’ESS)
- Les métiers du soin sont peu valorisés et précaires car majoritairement occupés par des femmes. Les compétences requises sont perçues comme des dispositions naturelles – prendre soin des enfants et des personnes âgées, être à l’écoute, se mettre en retrait au service d’autrui – plutôt que comme socialement construites. Un travail gratuit réalisé pour le foyer et la communauté qu’il est difficile de valoriser dans la société et sur le marché. Pourquoi payer pour quelque chose que les femmes réalisaient (et réalisent toujours) gratuitement et naturellement ?
- Quand on parle de parité, on s’interroge souvent sur la façon de donner envie aux jeunes filles d’aller vers des métiers plus « masculins » mais rarement le contraire. Comment donner envie aux garçons de se tourner vers des métiers « féminins » ?
- Pendant longtemps, l’égalité femmes-hommes n’a pas été un sujet pour l’économie sociale et solidaire. Il a fallu attendre le retour de la question féministe dans le débat public pour qu’un constat émerge : on y retrouve les mêmes mécanismes sociaux que dans le reste de la société. « Il ne suffit pas de se déclarer féministe, il faut mettre en place des actions qui vont dans ce sens. »
- Mahaut Bertu suggère de systématiser la question du genre – qui va profiter de tel équipement sportif ou de telle action de la collectivité – pour rendre visible les inégalités.
- Les structures s’intéressent au sujet mais manquent de temps et de financement. Difficile de valoriser ces métiers essentiels quand le financement d’action sociale est de plus en plus complexe.